L’ONU humiliée à Tindouf

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Il y a du nouveau sur le dossier du Sahara. Du sensationnel à l’état pur. De quoi s’esclaffer à l’étouffement. C’est tellement gros, tellement inattendu qu’on a du mal à y croire, sur un terrain diplomatique complètement figé, comme pétrifié dans un désert endurci.
Bref du faux suspens. Soyons magnanime, malgré tout. Rassurons d’abord les gouvernants d’Alger, civils et militaires. Ces nouvelles n’ont accouché que du négatif, cousu mains, par leurs propres soins. On les entend d’ici pousser un grand ouf.
De quoi s’agit-il, au fait? Récemment, le directeur général du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), relevant directement de l’ONU, Antonio Guterres, a fait une tournée dans les pays de la région, particulièrement en Algérie et au Maroc, puisque c’est là que ça se passe, plus qu’ailleurs. De passage à Tindouf, via Alger, il a proposé de procéder à un recensement des “réfugiés”. C’est son rayon, quasiment exclusif, hormis quelques ONG parmi les moins douteuses d’entre elles.

Légitimité
Quoi de plus normal, donc, que de vouloir quantifier cette population, selon les critères et les techniques de la démographie et de la statistique. D’autant plus qu’il n’y a pas eu de recensement fiable et reconnu, depuis celui organisé, en 1970, par l’Espagne, ancienne puissance coloniale. M. Guterres, ancien Premier ministre portugais, a déployé tout son savoir-faire et sa longue expérience, pour essayer de convaincre ses interlocuteurs du bien fondé et de la légitimité de sa démarche. En vain. Les responsables du Polisario, aux ordres d’Alger, n’ont rien voulu savoir. «Ce sont nos “refugiés”; c’est à nous de les compter et à personne d’autre, y compris l’ONU». M. Guterres a été édifié par tant d’arrogance et de défiance qui n’ont d’égal, à travers le monde, que l’attitude d’Israël à l’égard des instances onusiennes. Pourquoi diable, le Polisario craint-il, comme une épidémie de grippe A, ce type de comptage, sous des auspices dignes de foi, sinon totalement incontestables? La réponse est dans la question. Non seulement elle coule de source, mais elle est connue de tous.

Sauf qu’elle est si grossièrement flagrante qu’elle devient inavouable. Chacun sait que le Polisario gonfle le nombre de “ses réfugiés” pour récolter le maximum d’aide auprès d’institutions et d’ONG internationales. “Les réfugiés” sont ainsi utilisés pour faire la manche sans frontières. Quant à l’aide, preuve a été faite qu’une grande partie de ce pactole est régulièrement détournée par la bande à Mohamed Abdelaziz, pour son propre confort, ses multiples déplacements et pour soulager, un tant soit peu, le tuteur algérien. Mme Mitterrand, épouse du défunt Président français, a fait l’amère expérience de cette supercherie à grande échelle, qu’elle a publiquement dénoncée, après s’être naïvement mise au service du Polisario pendant de longues années. Un désaveu murement réfléchi et néanmoins spectaculaire. Le plus étonnant dans ce refus du Polisario, c’est que celui-ci continue à mettre en avant son leitmotiv de référendum. Sur quelles bases chiffrées peut-on alors organiser cette consultation populaire? De quoi faire perdre son latin au plus chevronné des diplomates. On comprend du moins pourquoi le Polisario, toujours sur ordre d’Alger, avait méthodiquement saboté l’opération d’identification du corps électoral sahraoui, sous contrôle de la Minurso. De guerre lasse, le Maroc a fini par renoncer à cette option, pour prospecter et proposer d’autres solutions, tel le statut d’autonomie interne élargie pour le Sahara.
Une offre ultime qui sauvegarde l’intégrité territoriale du pays. Niet, à l’unisson, d’Alger et du Polisario. C’est l’indépendance; à savoir l’amputation et l’encerclement du Maroc, avec l’implantation d’une nouvelle wilaya algérienne sur son flanc sud; ou rien. Rien que ce qui relève de l’inacceptable. Pour sa part, le Maroc a profité de la venue de M. Guterres pour faire une proposition temporaire, à caractère humanitaire: l’aménagement d’un corridor terrestre entre Tindouf, en territoire algérien, et le Sahara marocain; bien évidemment, sous l’autorité de l’ONU. L’objectif est de permettre aux familles sahraouies des deux côtés, séparées depuis trente quatre ans, de se rencontrer, en toute liberté de mouvement et, éventuellement, d’installation.

Chantage
Cela devrait également pallier les lenteurs extrêmes des échanges de visites par intermittence et par avions frappés du sigle onusien. À ce rythme, il faudra d’autres longues décennies pour que les Sahraouis se retrouvent, avant de devenir méconnaissables ou de passer de vie à trépas. Pas question, fait dire Alger à son Polisario. «L’idée du corridor est dangereuse, car rien ne garantit que “nos réfugiés” reviendront. Les Marocains le savent. Nous aussi. Si on accepte, c’en est fini pour les camps. Cet engrenage est mortel». Un niet de plus. Force est de reconnaître que l’attitude du donneur d’ordre d’Alger est compréhensible. Mieux vaut, pense-t-il, une “république” avec une population sous les tentes que pas de population du tout.

Piraterie
Mais ceux qui avaient encore des doutes en sont pour leurs frais. Les Sahraouis de Tindouf ne sont pas des réfugiés. Ce sont des séquestrés, c’est-à-dire des otages, retenus contre leur gré; une monnaie de chantage algérien à l’adresse du Maroc. Ainsi se résume la situation, pas plus.

Le plus viendra du représentant de l’Algérie auprès du bureau de Nations unies à Genève, lors d’un Conseil des droits de l’Homme tenu le jeudi 17 septembre 2009. Il s’est fendu d’une diatribe invraisemblable sur les droits de l’Homme au Maroc. Sans vergogne. Pareil discours venant d’Alger est totalement surréaliste. C’est, d’ailleurs ce qu’a répondu notre ambassadeur à Genève, Omar Hilal. Il a commencé par faire part de son étonnement de voir le diplomate algérien se préoccuper plus de la situation des droits de l’Homme au Maroc que dans son propre pays.

Et de s’interroger: «Dans quel pays Amnesty international est interdite depuis 2005? En Algérie, pas au Maroc, où elle dispose d’un bureau. Dans quel pays Human Rights Watch est privée de visa? En Algérie, pas au Maroc, où elle jouit d’un accès libre et permanent. De même que c’est en Algérie et pas au Maroc que la Fédération internationale des droits de l’Homme est déclarée indésirable…». Et d’ajouter que le groupe de travail sur les disparitions forcées a été accueilli au Maroc, alors que l’Algérie a refusé de le recevoir. En trois questions et quatre réponses, le tableau était brossé dans sa réalité vraie.

Le lendemain, 18 septembre 2009, un documentaire, projeté dans une salle du bureau genevois de l’ONU, raconte le calvaire de 94 Marocains dans des bagnes du sud-est algérien, pendant un quart de siècle. Il s’agit de pêcheurs sur des bateaux battant pavillon marocain ou étranger, enlevés par des éléments du Polisario, dans les eaux territoriales du Maroc, au large des côtes qui ne souffrent aucune contestation, de quelque nature que ce soit. Lors de la présentation de son film, Les rescapés de l’enfer, la réalisatrice, Yasmine Khayat, a qualifié cet acte ignoble de piraterie qui nous ramène au temps des corsaires en haute mer. Au regard de ces faits, qui constituent la triste actualité voulue et entretenue par nos voisins de l’Ést, on est loin, bien loin de la normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc. Il n’y a pas l’ombre d’un début de commencement dans ce sens. L’Algérie a bel et bien emboîté le pas au Maroc, neuf mois après, en supprimant le visa pour les ressortissants marocains, le 3 avril 2005.

Un coup d’épée dans l’eau, car les frontières, elles, restent fermées depuis août 1994, suite à l’attaque contre l’hôtel Atlas Asni à Marrakech, où des terroristes d’origine algérienne étaient impliqués, arrêtés et jugés. Le Maroc n’a cessé d’appeler l’Algérie à revoir sa politique des portes closes. Sans résultats, à ce jour. Près d’un million d’Algériens sont ainsi empêchés de se rendre au Maroc, par la seule volonté de leurs gouvernants. Un état de fait qui place l’Algérie parmi les régimes anachroniques, tels Cuba et la Corée du Nord, où l’on confisque aux citoyens leur droit de circuler par-delà les limites de leurs pays.

Anachronique
Les échanges commerciaux bilatéraux, dans un cadre maghrébin où chaque entité nationale trouve ses intérêts bien compris, sont également bloqués. Un énorme gâchis et autant de manque à gagner pour les peuples de la région. La rigidité et l’hostilité obsessionnelles d’Alger constituent l’unique cause de ce blocage. L’affaire du Sahara, montée de toutes pièces par Houari Boumediene et pérennisée par ses successeurs, n’est qu’un prétexte sur un fond de culture de la haine et d’ambitions hégémoniques avouées.
Une posture défiant tout entendement, dont a hérité Christopher Ross, le dernier en date parmi la longue lignée de médiateurs onusiens chargés du dossier. Après les échecs répétitifs des rencontres de Manhassett, M. Ross, lors de sa tournée dans la région, en février 2009, a mis sur la table des pourparlers informels qui définiraient l’agenda des négociations et l’ordre du jour, avant de retourner dans la banlieue newyorkaise. Depuis, il n’y a pas eu de suite.

Ce sont, par contre, les contrats d’armement qui font l’objet d’études des instituts internationaux et accaparent l’attention de la presse étrangère. Le rapport 2008 de l’Institut de recherche pour la paix, basé à Stockholm, sur le sujet, est encore tout chaud. Son contenu a été décortiqué et commenté dans le n°839, du 15 au 21 mai 2009, de Maroc Hebdo international.
Voilà que Asharq Al Awsat, citant une source algérienne, nous apprend dans sa livraison du 18 septembre 2009, que l’Algérie a passé un accord d’une valeur de 4 milliards d’euros, avec l’Italie, pour l’achat de 6 frégates FREMM (Frégate européenne multi-missions) et des navires de guerre équipés de missiles anti-sous-marins de fabrication américaine. Cet accord remplacera une commande similaire préalablement faite à la France. Motif de cette annulation: Paris a signé avec Rabat un protocole d’acquisition de frégates du même type. Après les gros contrats conclus avec la Chine, l’Inde et le Brésil, d’un montant global de 10 milliards de dollars; c’est au tour de l’Italie de profiter de la prodigalité algérienne; 100 hélicoptères lui ont été commandés. Quant à la Russie, qui reste le premier fournisseur de l’Algérie, elle a déjà livré à celle-ci, début 2009, un escadron d’avions de chasse Sukhoï 30.

Le reste arrivera durant l’année en cours. La supériorité en armement est donc en faveur de nos voisins de l’Est, forts de leur manne pétrolière. Le Maroc tente, tant bien que mal et avec peu de moyens, de suivre le mouvement. Le congrès américain aurait donné son feu vert pour la vente de 24 avions de combat F16, à Rabat. La transaction est évaluée à 2,4 milliards de dollars. La nouvelle a fait le tour des publications nationales depuis le samedi 19 septembre 2009.

“Qui veut la paix, prépare la guerre”, conseille le dicton. Alger, surtout, et, dans une moindre mesure, Rabat, ne dérogent pas à la règle. Quiconque parlerait d’une normalisation, autre que par un arsenal militaire de dissuasion, passerait pour un dangereux utopiste.

Article publié sur le site http://www.maroc-hebdo.press.ma
Auteur : A. Mansour

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