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Bouteflika ruine l’Algérie pour amoindrir le Maroc

janvier 11, 2010

Après plusieurs semaines de léthargie, Abdelaziz Bouteflika est parti en Espagne mettre encore plus à mal le statut géopolitique et les intérêts de l’Algérie pour satisfaire son ego personnel. Vestige encore vivant de la politique de guerre froide, Bouteflika continue de ligoter la diplomatie algérienne à sa phobie de la monarchie marocaine.

Dans la déclaration commune des travaux de Madrid du 7 janvier, on ne retient dans le verbiage diplomatique qu’un seul marchandage. Le bradage du gaz algérien contre une simple promesse de soutenir «le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui».

Pour arracher cette déclaration de principe qui ne coûte rien à Zapatero, Bouteflika a posé sur la table des négociations le gazoduc sous-marin Medgaz classé par l’Espagne comme projet prioritaire. Alors que les travaux sont pratiquement achevés, la mise en service du projet reste tributaire de deux dossiers lourds: le prix du gaz et la part qui revient à Sonatrach dans la commercialisation en Espagne et en Europe des 8 à 16 milliards de m3/an qui transiteront à terme par ce gazoduc. (1)

Même le lourd contentieux de Gassi Touil, qui coûte à l’Algérie un retard considérable, a été pardonné et balayé d’un revers de main. On rappelle que ce mégaprojet gazier intégré GNL, initialement confié aux firmes espagnoles Repsol et Gaz Natural, avait été saboté. Les espagnols voulaient retarder sa réalisation tant que le gazoduc Medgaz ne serait pas opérationnel et les contrats de livraison sécurisés.

On ne sait toujours pas quelle est la part du gaz dans les recettes d’exportation d’hydrocarbures. L’indexation de son prix sur celui du pétrole cause à l’Algérie des fluctuations perturbantes et des pertes énormes que personne n’a pu chiffrer, en raison de l’opacité de gestion de Sonatrach, le secret des contrats commerciaux et l’absence totale de débat sur ce sujet sensible. Bouteflika et son ministre de l’énergie Chakib Khellil ont même contrarié la proposition russo-iranienne de créer une OPEP du gaz pour définir et défendre une stratégie de prix. (2)

José Luis Rodriguez Zapatero, qui entame son semestre à la présidence de l’UE, est placé en première ligne pour négocier au mieux les intérêts gaziers de l’Europe. Il est donc prêt à signer des deux mains n’importe quelle déclaration que lui demandera Bouteflika, même sur l’autodétermination des aborigènes d’Australie ou des pingouins de l’Antarctique.

Comme le cadeau gazier ne suffit pas, la déclaration de principe relève que «l’Espagne est devenue l’un des investisseur de référence en Algérie et souhaite stimuler davantage les investissements espagnols dans des secteurs moteurs de développement en Algérie». Bouteflika souhaite que «les entreprises espagnoles participent et s’impliquent dans le vaste programme national algérien d’équipements publics 2010-2014», c’est-à-dire jusqu’à la fin de son mandat. Le peu d’hommes politiques et de parlementaires conscients en Algérie se doivent de dénoncer le bradage du gaz et des intérêts algériens dans une opacité totale, et remettre en cause ce que cache cette déclaration de Madrid.

En fait, Bouteflika n’a qu’une seule obsession: que l’ex-colonisateur espagnol et voisin maghrébin l’accompagne dans le combat de sa vie contre son pays natal pour que le Maroc continue à souffrir.

Il est tellement honteux de son origine marocaine qu’il a effacé son lieu de naissance, Oujda, qui était auparavant mentionné dans sa biographie sur le site de la présidence algérienne (www.elmouradia.dz).

Il a lié la politique énergétique de l’Algérie au destin de quelques enturbannés d’un Polisario fantôme présidé depuis 33 ans par un marocain, et dont la plupart des membres fondateurs ont réintégré le royaume.

Saâd Lounès

Maroc-Algérie:Le clan d’Oujda a perdu la bataille du Sahara marocain

novembre 12, 2009

Par Saâd Lounès
Journaliste algérien
http://www.pressealgerie.com/lequotidiendalgerie.htm

Le dernier refoulement d’un avocat et de journalistes marocains à l’aéroport d’Alger est une grave erreur diplomatique. Il ne reste plus à Bouteflika et au clan d’Oujda que des bavures policières pour exprimer leur vision autoritariste sur la question du Sahara Occidental.

Ce conflit inutile engagé à la hussarde par Boumediene, après le coup d’Etat manqué et la mort de son ami le général Mohamed Oufkir en août 1972, n’a en fait été qu’un prétexte de déstabilisation de la monarchie alaouite. (1)

Face à l’adversité du pouvoir socialiste algérien et ses alliés de l’opposition marocaine, Hassan II avait réussi à consolider son trône. Après 10 ans de règne, Mohamed VI a fait du Maroc un «modèle à suivre pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient» selon les termes de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton au Forum de l’Avenir à Marrakech devant un parterre de diplomates du monde entier.

Le Maroc n’en finit plus d’engranger les bénéfices d’une nouvelle stratégie pragmatique et conquérante initiée depuis le lancement des négociations directes avec le Front Polisario sous l’égide de l’ONU en juin 2007.

Paradoxalement, c’est en utilisant les méthodes algériennes que le Maroc a pu avancer de manière spectaculaire dans la résolution du conflit à son avantage par une gestion efficace du renseignement et l’intégration des clientèles sahraouies dans le jeu politique national.

La bataille du renseignement

En nommant son camarade de classe et ami d’enfance Mohamed Yassine Mansouri à la tête de la DGED, le roi a changé la donne qui présidait jusqu’alors au sein des services secrets marocains. Civil et technocrate, Mansouri suit une feuille de route stratégique d’action en avançant une à une ses pièces sur l’échiquier sahraoui pour mettre en échec la partie algérienne, la seule qui s’oppose à un règlement définitif du conflit.

Mansouri agit sur plusieurs cibles pour désosser le Polisario et retourner contre l’Algérie ses principaux atouts qu’étaient le Front et les camps de Tindouf. En participant à toutes les phases de négociation de Manhasset, Mansouri effectue un travail de sape pour retourner les dirigeants sahraouis.

Il a également réussi un coup de maître surprenant en envoyant pour la première fois dans les camps de Tindouf une mission d’information et de renseignement sous couverture de presse. Un journaliste et un photographe d’un hebdomadaire marocain ont pénétré dans les camps de Tindouf et publié un reportage en été 2008. (2)

Ils y ont aussi recueilli une somme de renseignements et de photos très utiles pour dénoncer auprès des instances onusiennes les conditions de «séquestration» des sahraouis par les autorités algériennes.

Conforté par le soutien de tous les pays arabes, parachevé dernièrement par la reconnaissance libyenne de la marocanité du Sahara, Mansouri utilise à fond la carte maîtresse mauritanienne. Outré par le mépris que lui a manifesté Bouteflika, le nouveau président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz se dévoue pour la cause marocaine et œuvre à la reddition des chefs du Polisario en recevant très souvent le patron de la DGED.

Sur le plan intérieur, de plus en plus de sahraouis sont intégrés sur la scène politique nationale. Les stratèges marocains ont dernièrement réussi un coup de maître en portant à la présidence de la Chambre des Conseillers, un médecin sahraoui Mohamed Cheikh Biadillah, dont le propre frère est Brahim Ahmed Mahmoud Biadillah, dit «Gregou», responsable de la 2ème région militaire et ancien chef de la sécurité militaire du Polisario, qui figure en bonne place sur une liste de tortionnaires du Polisario. (3)

C’est un signal très fort auquel ne sont pas insensibles les notables sahraouis qui y voient un appel à une course à toutes les investitures dans le train du dynamisme politico-économique marocain. Entre la prospérité du destin national de Mohamed Cheikh, et l’éternelle attente l’arme au pied du «Désert des Tartares» de Gregou, le choix est vite fait.

D’autant que le projet royal d’Autonomie prévoit une amnistie pour les combattants sahraouis. Une autre façon d’imiter les algériens en laissant indéfiniment ouvertes les portes de la réconciliation.

Le désastre diplomatique de Bouteflika

Face à cette cascade de succès marocains, on ne peut que s’interroger sur l’anesthésie qui frappe le pouvoir algérien. L’explication est double.

Tout d’abord ce conflit n’a jamais reçu d’adhésion populaire, les algériens se contrefichent de cette histoire de Sahara. Hormis un FLN moribond qui ne s’exprime sur ce lourd héritage que du bout des lèvres, les partis politiques ont ouvertement déclaré leur désaccord sur la position algérienne et n’ont aucun contact avec le Polisario. C’est ce qui a encouragé la témérité de l’Association du Sahara Marocain à venir en Algérie même faire du lobbying pour la résolution du conflit.

Ensuite, la gestion du Polisario a toujours été une chasse gardée du clan d’Oujda dirigé par le couple Boumediene-Bouteflika et les chefs de la Sécurité Militaire. Après la mort de Boumediene et la mise à l’écart de Bouteflika et Kasdi Merbah, patron de la SM, c’est le général Larbi Belkheir qui s’est accaparé de ce dossier stratégique et lucratif où s’entremêlent diplomatie parallèle, fonds secrets et commerce d’armes.

Depuis la disparition mystérieuse de Belkheir, très malade selon sa famille ou décédé selon d’autres sources, on ne sait plus qui est vraiment en charge de ce dossier. Le très efficace chef du contre-espionnage, le général Smaïn Lamari qui gérait le Polisario sous les ordres de Belkheir, est décédé en été 2007 sans qu’on sache vraiment qui l’a remplacé.

De plus en plus isolés à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, Bouteflika et son clan d’Oujda ont définitivement perdu la bataille du Sahara Occidental. La dernière gifle retentissante qu’a reçu Bouteflika vient de son ami Khaled qui, après avoir exprimé publiquement ses griefs contre l’anti-marocanisme du gouvernement algérien, a entériné la marocanité du Sahara en allant chanter au dernier festival du dromadaire à Laâyoune.

Placé en situation d’échec et mat par la maîtrise d’œuvre marocaine et la péremption politique de Bouteflika, il ne reste au pouvoir algérien qu’une porte de sortie dans ce conflit. Abandonner son intransigeance, laisser le Polisario négocier librement, seul et sans aucune contrainte, fermer les camps de Tindouf et ouvrir les frontières avec le Maroc.

Saâd Lounès
http://www.pressealgerie.com/lequotidiendalgerie.htm

Devoir de vérité : Qui a tué les moines de Tibéhirine

juillet 12, 2009

N’importe quelle personne avec un minimum d’humanisme doit s’interroger sur les raisons de l’assassinat des moines de  Tibéhirine en Algérie. Le président Nicolas Sarkozy a assuré qu’il levrait le secret-défense sur tous les documents qui seront demandés par la justice française.. Alixis BREZET dans Le Figaro magazine du Samedi 11 juillet 2009 se pose les bonnes questions sans partie prise.

Leur mort, à la différence de celle du «roi de la pop», n’a pas été suivie d’un deuil planétaire, médiatique et obligatoire. Pour eux, ni cercueil doré à l’or fin, ni torrents de larmes cathodiques, ni cérémonie grandiose en mondovision. Leur héritage ne pèse pas son poids de millions de dollars : ils étaient riches seulement de leur foi et de leur pauvreté. Et pourtant, treize ans après, le sauvage assassinat de frère Christian, frère Luc, frère Christophe, frère Michel, frère Célestin, frère Paul et frère Bruno continue de susciter un écho douloureux dans le coeur des hommes de bonne volonté.Le martyre des moines de Tibéhirine, coupables d’avoir voulu témoigner de l’Évangile par la prière et la fraternité avec le peuple algérien, reste pour des millions de chrétiens et de non-chrétiens, de part et d’autre de la Méditerranée, une cause de scandale d’autant plus vivace qu’un troublant halo de mystère semble entourer les circonstances de leur disparition.

Il faut lire le témoignage précis et émouvant du père Armand Veilleux, ancien procureur général de l’ordre des Cisterciens, que nous publions cette semaine. Du récit circonstancié de celui qui fut le responsable des frères de Tibéhirine, une impression se dégage : celle que la vérité, piégée dans les entrelacs des rivalités de services, des complaisances judiciaires, des compromissions diplomatiques, des transactions politiques, a été, tout au long de ces années, volontairement laissée de côté. Comme si planait sur cette tragique affaire l’ombre d’un mensonge d’État.

Les sept religieux ot-ils été enlevé et massacrés par un commando du Groupe islamique armé, comme l’affirme la thèse officielle ? Ce groupe, ainsi que le soutient une deuxième thèse accréditée par certains témoignages, était-il lui-même «l’instrument» du pouvoir algérien (ou d’un clan au sein de ce pouvoir) qui aurait pu vouloir, en fomentant cet acte monstrueux, dresser l’opinion publique internationale contre le « péril islamiste » ? Les moines, selon une troisième thèse qui s’appuie sur la déposition d’un officier français révélée cette semaine par Le Figaro, sont-ils tombés sous les balles des militaires algériens lors d’une opération de « ratissage» qui aurait mal tourné ? Les mêmes auraient-ils commandité, ou perpétré, deux mois plus tard l’assassinat de Mgr Claverie, l’évêque d’Oran, coupable de s’intéresser d’un peu trop près à la question ? Les autorités françaises, par souci de ménager les services algériens dont la collaboration était jugée indispensable pour démanteler les réseaux terroristes à l’œuvre sur notre territoire, ont-elles tu ce qu’elles savaient ? Ont-elles préféré ne pas savoir ? Autant d’interrogations auxquelles la levée du secret-défense annoncée par Nicolas Sarkozy permettra, peut-être, d’apporter des réponses judiciaires. Au lendemain d’une décision analogue dans le dossier de l’attentat de Karachi (lui aussi mis un peu vite sur le dos des islamistes ?), on ne peut que se réjouir que soient levés, côté Français, les obstacles à la manifestation de la vérité.

Evidemment, côté algérien, l’affaire n’ira pas sans causer quelques difficultés. Prompt à exiger de la France les démonstrations d’une éternelle repentance (mais le ferait-il encore si notre pays, par lâcheté, ne l’y avait si longtemps encouragé ?), Abdelaziz Bouteflika n’est guère désireux que remontent à la surface les secrets de certaines compromissions avec les islamistes qui, depuis le temps de son prédécesseur Liamine Zeroual (au pouvoir à l’époque du drame de Tibéhirine), ont pris les apparences d’un véritable – et inquiétant – «compromis historique ». Pas plus qu’il ne souhaite que soit attirée l’attention des opinions européennes sur le sort des chrétiens d’Algérie, victimes, dans l’indifférence générale, d’une véritable campagne de persécution. Attendons-nous (c’est parti !) à de violentes attaques contre « l’esprit de vengeance » de la «puissance coloniale»…

Vengeance ? Aucun mot n’était pourtant plus étranger au vocabulaire des moines de Tibéhirine. Deux ans avant une mort qu’il avait par avance offerte en sacrifice, Christian de Chergé, le prieur de la communauté, dans un «testament » bouleversant, avait déjà pardonné à ses assassins. Mais le pardon n’est pas l’oubli. Il suppose la connaissance des faits : rien ne justifierait que l’on ensevelisse dans le linceul du mensonge les martyrs qui ont péri au nom de la vérité.

Non à la présidence à vie

novembre 23, 2008

Rachid Benyellès, général à la retraite. Ancien chef d'état-major de la marine algérienne

Rachid Benyellès, général à la retraite. Ancien chef d

Dans les semaines qui avaient suivi sa désignation à la tête de l’Etat, M. Bouteflika menaçait à tout propos de « rentrer chez lui en laissant les Algériens à leur médiocrité ». Cela, jusqu’au jour où des voix, excédées par tant d’impudence, se sont élevées pour lui dire « chiche ! » Depuis, il n’est plus jamais revenu sur ce sujet.

Après avoir passé un premier quinquennat à sillonner la planète et une grande partie du second à lutter contre une maladie qui l’a contraint à suspendre toute activité des mois durant, le voilà maintenant, malgré ce lourd handicap, qui se prépare à un troisième quinquennat. A l’instar de beaucoup d’autres potentats, ailleurs dans le monde, M. Bouteflika a toujours voulu être un président à vie. La seule question pour lui était celle de choisir le moment opportun pour annoncer le changement d’une Constitution qui limite le nombre de mandats à deux.

Hélas !, la démocratie et l’alternance ne font pas partie du lexique de l’Algérie de M. Bouteflika, ni d’ailleurs de celui de toutes les contrées arabes qui, sans exception aucune, demeurent dirigées par des régimes autocratiques. Encore que, à la différence de l’Algérie de M. Bouteflika, ces pays puissent néanmoins se prévaloir de réalisations qui font pâlir d’envie nos concitoyens. Ceci est particulièrement vrai pour les pétromonarchies du Golfe. Plus proches de nous, le Maroc et la Tunisie sont parvenus à de bien meilleurs résultats, sans pour autant disposer de nos ressources naturelles et de notre formidable manne pétrolière.

En fait, l’Algérie de M. Bouteflika a connu une régression accélérée, pour ne pas dire une dégénérescence. Cela tient, pour l’essentiel, à la qualité du chef et à ce qu’on appelle aujourd’hui la « gouvernance ». Or l’Algérie de M. Bouteflika se distingue précisément par la non-gouvernance. Le pays est abandonné à lui-même, dérivant sans cap et sans destination, frémissant aux seules pulsions du prince et à son bon vouloir.

Le bilan de M. Bouteflika au cours de ces dix années passées à la tête de l’Etat est malheureusement catastrophique, n’en déplaise à ses courtisans. S’il fut un temps où l’Algérie jouait un rôle moteur dans le monde arabe, force est aujourd’hui de constater qu’elle ne pèse plus rien ! Traités comme des pestiférés, nos concitoyens n’ont jamais été autant humiliés pour obtenir un visa et aussi mal accueillis à l’étranger, particulièrement dans certains pays dits « frères » où ils sont malmenés, et parfois agressés, sans que cela ne provoque la moindre réaction officielle. Classée par Transparency international parmi les pays les plus corrompus de la planète, loin devant les pays voisins du Maghreb, l’Algérie affiche aussi les plus mauvais résultats en matière de développement humain et de liberté d’expression.

De quel succès M. Bouteflika et ses encenseurs peuvent-ils se prévaloir lorsque les gouvernements des grandes puissances recommandent à leurs ressortissants d’éviter notre pays et à ceux, très peu nombreux, qui y résident encore, de le quitter ? De quel résultat peuvent-ils se prévaloir lorsque le peu d’entreprises étrangères présentes en Algérie ne prennent aucun risque et se limitent à l’ouverture de simples comptoirs commerciaux ?

Quelle image de l’Algérie peuvent-ils donner à l’extérieur lorsque des milliers de jeunes et moins jeunes Algériens (les harragas), poussés par le désespoir, tentent, au péril de leur vie, de traverser la Méditerranée à bord d’embarcations de fortune pour rompre avec un pays qui ne leur offre plus aucune perspective ?

M. Bouteflika aurait été bien mieux inspiré s’il avait consacré un peu de son temps à restaurer l’image de l’Algérie auprès des Algériens tout d’abord, en les retenant chez eux, en leur donnant confiance en leur pays et en leurs dirigeants. Pour ce qui est du rétablissement de la paix et de la sécurité, l’autre chantier prioritaire de M. Bouteflika, cet objectif n’a pas été atteint. Malgré le décuplement des effectifs des forces de sécurité, tous corps confondus, et l’allocation de budgets exorbitants, le terrorisme n’a pas été vaincu. La situation n’est certes plus celle du début des années 1990, mais la paix et la sécurité sont loin d’être rétablies. Par contre, sous le règne de M. Bouteflika, un phénomène nouveau, inconnu jusqu’alors dans la région, est apparu – celui des attentats kamikazes.

Au plan politique, tous les acquis démocratiques d’octobre 1988 ont été balayés au cours de la dernière décennie. L’état d’urgence a été maintenu et ses dispositions les plus restrictives ont été renforcées, à seule fin d’interdire les manifestations et réunions publiques. La vie politique a été réduite à néant, et les institutions du pays, ou ce qui en tient lieu, ont été marginalisées et traitées avec mépris comme cela ne s’était jamais produit auparavant. Les quelques partis politiques autorisés à fonctionner ne sont que des coquilles vides. Aucune organisation politique, même lorsqu’elle a rigoureusement rempli les exigences fixées par la loi, n’a été agréée. Toujours par le même fait du prince. Les syndicats libres ne sont pas reconnus, et leurs dirigeants font l’objet de mesures coercitives scandaleuses.

La liberté d’expression a été muselée ; les journalistes qui osent porter un jugement critique sur les pratiques du régime sont jetés en prison sous divers prétextes. Les innombrables émeutes qui éclatent régulièrement dans l’ensemble du pays sont réprimées avec la plus grande brutalité. Le régime de M. Bouteflika ne se montre performant que lorsqu’il s’agit de briser des manifestations, renier les droits de l’homme et les libertés fondamentales ou susciter la zizanie et la discorde dans les rangs des organisations et partis politiques qui refusent de jouer le rôle de satellites du système.

Dans les autres secteurs, le bilan de M. Bouteflika n’est, hélas, pas plus brillant. Aucun des pays de la région n’affiche une dépendance alimentaire aussi prononcée, et la situation ne fait qu’empirer. Au cours de la décennie écoulée, l’Algérie a enflé de manière anarchique, au mépris des règles d’urbanisme les plus élémentaires. D’une densité urbaine démentielle, des cités-dortoirs émergent aux quatre coins du pays. Elles sont construites à grands frais et dans la précipitation par des entreprises étrangères venues de tous horizons.

En matière de santé, il fut un temps où l’Algérie était à l’avant-garde des pays maghrébins. Des étudiants de tout le continent étaient formés dans nos universités, et des patients de toutes les nationalités étaient soignés dans nos établissements hospitaliers. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Lorsqu’ils veulent des soins de qualité, les agents du pouvoir en place, et ceux de nos concitoyens qui en ont les moyens, sont obligés d’aller dans les pays voisins. Alors que, dans ces mêmes pays, les besoins en médicaments sont couverts à plus de 80 % par la production locale, l’Algérie de M. Bouteflika importe pour près d’un milliard de dollars de produits pharmaceutiques. Une poignée de gros importateurs se partagent ce marché juteux en bénéficiant de facilités surprenantes.

L’Algérie ne produit presque plus rien et importe presque tout, aussi bien les produits manufacturés que les produits alimentaires. Au cours de la décennie écoulée, le secteur productif national public ou privé a été démantelé pour laisser le champ libre aux importateurs. Il n’y a pas de place pour un secteur productif créateur de richesses et d’emplois durables. Les entreprises publiques, grabataires pour la plupart d’entre elles, ont été maintenues en l’état, ni privatisées ni assainies, à la grande satisfaction des importateurs.

L’Algérie de M. Bouteflika est celle des scandales financiers, de l’affaire dite Khalifa et des banques publiques, des détournements massifs entraînant des milliards de dollars de préjudice pour le pays, de l’économie informelle dominante. Malgré ce bilan désastreux et les aléas liés à son état de santé, M. Bouteflika projette de se maintenir au pouvoir. A 72 ans, il veut un troisième quinquennat qu’il terminera à 77 ans, c’est-à-dire en vieillard, dans l’acception universelle du terme. C’est le pire fléau qui puisse frapper le pays !

Pour empêcher le viol qui se prépare, on ne peut malheureusement compter ni sur les dirigeants des démocraties occidentales, qui soutiennent à bras-le-corps un régime qui préserve leurs intérêts, ni sur des manifestations, même pacifiques, interdites au titre de l’état d’urgence. Peut-on pour autant accepter le fait accompli, abdiquer et se taire ?


Rachid Benyellès, général à la retraite. Ancien chef d’état-major de la marine algérienne

Source: Le Monde

Bouteflika for ever !

novembre 23, 2008

Le président algérien est l’archétype du “dictateur présentable”

Le président algérien est l’archétype du “dictateur présentable”

Par On entend, çà et là, quelques murmures réprobateurs relatifs à la manœuvre d’Abdelaziz Bouteflika qui a fait voter par un Parlement à sa botte une modification constitutionnelle lui permettant de briguer un troisième mandat de président de la République algérienne démocratique et populaire. Mais rien de bien méchant, et il ne faut pas s’attendre à ce que le monde se lève pour faire barrage à Boutef’, tant est présente la crainte d’une nouvelle poussée islamiste en Algérie.

Ainsi, celui qui fut dans les années 1960 le plus jeune ministre des Affaires étrangères en exercice sur la planète devrait être en mesure, à soixante-douze ans, de se succéder à lui-même pour un nouveau bail de six ans. Son élection ne fait pas question, la sincérité d’un scrutin présidentiel en Algérie aujourd’hui n’ayant rien à envier à celle des élections du deuxième collège (indigènes) au temps de l’Algérie française. Il s’agit seulement d’annoncer un résultat convenable. Les scores à la soviétique (supérieurs à 98 %) ne sont aujourd’hui pratiqués que dans quelques Etats d’Asie centrale où les despotes éclairés au gaz ne voient aucune raison de modifier des pratiques aussi anciennes que commodes.

Tout l’art consiste à bricoler un scrutin de telle manière à ce que les observateurs internationaux, qui ne peuvent être partout, soient contraints de reconnaître que “dans l’ensemble” l’élection s’est déroulée dans des conditions répondant aux critères démocratiques, tout en assurant une confortable majorité au candidat de l’oligarchie au pouvoir.

Si l’on ne s’émeut guère, en France et dans le monde, des péripéties politiques qui se déroulent de l’autre côté de la Méditerranée, c’est qu’on se soucie peu aujourd’hui d’encourager les pays du Maghreb à marcher hardiment vers la démocratie, l’économie de marché et un développement à l’asiatique de leurs capacités de production.

Le projet idéaliste “grand Moyen-Orient prospère et démocratique” lancé après la guerre d’Irak par une administration Bush sous influence des néos-conservateurs s’est cassé le nez sur le réel. Et le réel, c’est que l’instauration de la démocratie suppose que la structuration des forces productives et sociales soit suffisamment avancée pour que ceux qui produisentn les richesses participent à leur gestion. C’est le bon vieux No taxation without représentation qui lança la révolte des colonies américaines contre la métropole britannique.

Or, il suffit de lire la description parfaitement réaliste que donne, dans Le Monde, un ancien général, Rachid Benyellès, pour constater qu’après l’échec grandiose d’une expérience “socialiste” qui a détruit le tissu économique, agricole et entrepreneurial hérité de la période coloniale, l’économie algérienne est exclusivement fondée sur une rente pétrolière accaparée par une oligarchie politico-militaire. D’où cette situation absurde dans laquelle les entreprises chinoises appelées pour répondre en catastrophe à la pénurie de logements liée à la croissance démographique galopante ne trouvent pas de main d’œuvre locale, tandis que les chantiers français ne fonctionneraient pas sans la main d’œuvre algérienne et que des hordes de jeunes oisifs végètent dans les grandes villes du pays. Les Chinois viennent donc avec leurs ouvriers construire des immeubles pour les chômeurs algériens.

Malgré tout cela, et les frustrations que le régime incarné par l’inoxydable Bouteflika provoque au sein d’une population désemparée, il fait aujourd’hui figure de “dictateur présentable”, un modèle que la communauté internationale est prête à tolérer, voire à promouvoir.

Comme son ennemi intime le roi du Maroc, et son voisin Ben Ali, Boutef’ tient en lisière des islamistes radicaux exterminés brutalement dans leur composante militaire, mais à qui le régime sous-traite l’encadrement moral de la société.

Par ailleurs, Boutef’ arbitre avec un instinct de conservation remarquable conflits et rivalités entre les diverses factions de l’oligarchie, favorisant alternativement l’une ou l’autre d’entre elles, et faisant en sorte qu’aucune tête susceptible de lui faire de l’ombre n’émerge des cercles dirigeants.

Une certaine liberté d’expression est accordée à l’opposition politique, essentiellement kabyle, et à une presse qui a acquis, à partir de 1988, une indépendance de ton remarquable. Mais l’état d’urgence reste en vigueur, limitant fortement les libertés publiques, et l’intimidation judiciaire des journalistes trop irrévérencieux est une pratique de plus en plus fréquente.

Pendant ce temps-là les “trabendistes” (vendeurs de marchandises rares acquises au cours d’allées et venues régulières en France ou en Espagne) alimentent l’économie informelle qui assure le minimum à la population démunie, et les harragas, ces jeunes sans travail, risquent leur vie en contrôlant la traversée vers le nord sur des embarcations de fortune…

Le “dictateur présentable” ne sera pas sommé de respecter les recommandations des rapports annuels des ONG pointant du doigt la corruption où les atteintes aux libertés dans le pays qu’il dirige. On lui pardonnera même quelques pratiques brutales dans la répression de ses opposants, pourvu qu’il arrive à persuader les chefs des Etats démocratiques que ces derniers ont partie liée avec le terrorisme international, ce qui n’est pas très difficile. Il lui sera assuré un siège à la commission des droits de l’homme des Nations-Unies, où il pourra tout à loisir voter en rafale des motions condamnant Israël et tonner contre les anciens colonisateurs qui ont le culot d’interdire le port du voile islamique dans les établissements scolaires publics. Le job de dictateur présentable, sans être de tout repos car les Iznogoud sont partout, reste quand même attractif. Au point qu’un vieillard malade veuille en reprendre.

Par Luc Rosenzweig

Ancien journaliste au « Monde », Luc Rosenzweig est l’auteur de plusieurs essais dont « Lettre à mes amis propalestiniens » (La Martinière) et « Ariel Sharon » (Perrin).

Source : http://www.causeur.fr